Philosophisches Taschenwörterbuch: Circoncision – Beschneidung (Inhaltsangabe)

Immerhin 5 Seiten widmet Voltaire dem Thema der Beschneidung.

Voltaire zeigt, dass die Beschneidung lange vor dem Judentum in Äthiopien und in Ägypten praktiziert wurde, dass die Juden während ihres Aufenthalts (205 Jahre, 2.Buch Mose,12,40) in Ägypten nicht beschnitten waren, diese Praxis aber übernahmen, sobald sie Ägypten verließen, vielleicht um die damals vorherrschende Nation nachzuahmen und ihr ähnlich zu sein.


Die Beschneidung ist befremdlich, was verpflichtet jemanden, ein Stück des Penis seiner Gottheit zu opfern?

Es war ursprünglich eine Sitte von Priestern, die ihren Göttern, die Leben spendeten, einen kleinen Teil des Gliedes opferten, das unter uns Menschen Leben spendet und der Rest hat es dann von den Priestern übernommen.

 

Philosophisches Taschenwörterbuch:
Amitié – Freundschaft (Inhaltsangabe)

Der Artikel beginnt mit einer auch heute noch gültigen Definition:

„Freundschaft ist ein stillschweigender Vertrag zwischen für einander offenen und aufrichtigen Personen. Ich sage offen, weil ein Mönch, ein Einzelgänger, ohne je bösartig zu sein, doch lebt, ohne die Freundschaft zu kennen. Ich sage aufrichtig, weil die Bösartigen nur Komplizen haben,,,,, aufrichtige Menschen allein haben Freunde“.

Wenn die Griechen einen Kult der Freundschaft betrieben, ist das ein großer Verdienst ihrer Kultur, auch wenn darin Beziehungen zu Minderjährigen eingeschlossen waren. Über diesen Missbrauch spricht Voltaire in seinem Artikel ‚Amour socratique  – sokratische Liebe“



Philosophisches Taschenwörterbuch:
Abraham (Inhaltsangabe)

Nicht umsonst beginnt das Philosophische Wörterbuch mit Abraham, dem Gründervater der drei monotheistischen, mit einer Offenbarungserzählung aufwartenden Religionen.
Die christliche fußt auf der jüdischen. Die Genesis des Alten Testaments erzählt von Abraham, ihrem Stammvater, der per Adoption auch der Stammvater der Christen ist. Eine Erzählung, die sie alle beide (und später sollte es ihnen der Islam gleichtun) als ‚heilig’ ausgeben.

Voltaire:
„Was jene [Geschichtsschreibung] der Juden, unsere Herren und unsere Feinde, betrifft, an die wir glauben und die wir verachten, so haben wie für sie die Empfindungen, die wir für sie haben müssen, da die Geschichte dieses Volkes offensichtlich durch den heiligen Geist selbst geschrieben wurde“.
Wer uns solches befiehlt, ist niemand anders, als die Infame selbst, die katholische Kirche.


Voltaire führt den Leser durch die Absurditäten der biblischen Genesis-Erzählungen zu Abraham, zeigt, dass er demnach über hundertsechzig Jahre gewesen sein muss, als er mit Sara, seiner neunzigjährigen Ehefrau, ein Kind zeugte. In diese neunzigjährige Frau „immer noch jung und schön“, verliebte sich dann der König von Kadesh, dem Abraham seine Ehefrau ohne Zögern gegen den Tausch von etlichen Reichtümern überließ.


Der Artikel schließt  – wie so oft – mit einer ironischen Schlussbemerkung Voltaires:
„Die Kommentatoren haben eine beachtliche Anzahl Bände verfasst, um das Verhalten Abrahams zu rechtfertigen und um die Chronologie zu bereinigen. Wir müssen also den Leser an diese Kommentare verweisen. Sie sind von erlesenen und feinfühligen Geistern verfasst, von exzellenten Metaphysikern, vorurteilslosen Leuten und überhaupt keinen Pedanten“.

Préjugés-Vorurteile (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Préjugés (Vorurteile) aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Le préjugé est une opinion sans jugement. Ainsi dans toute la terre on inspire aux enfants toutes les opinions qu’on veut, avant qu’ils puissent juger.
Il y a des préjugés universels, nécessaires, et qui font la vertu même. Par tout pays on apprend aux enfants à reconnaître un Dieu rémunérateur et vengeur; à respecter, à aimer leur père et leur mère; à regarder le larcin comme un crime, le mensonge intéressé comme un vice, avant qu’ils puissent deviner ce que c’est qu’un vice et une vertu.
Il y a donc de très bons préjugés; ce sont ceux que le jugement ratifie quand on raisonne.
Sentiment n’est pas simple préjugé; c’est quelque chose de bien plus fort. Une mère n’aime pas son fils parce qu’on lui dit qu’il le faut aimer, elle le chérit heureusement malgré elle. Ce n’est point par préjugé que vous courez au secours d’un enfant inconnu prêt à tomber dans un précipice, ou à être dévoré par une bête.
Mais c’est par préjugé que vous respecterez un homme revêtu de certains habits, marchant gravement, parlant de même. Vos parents vous ont dit que vous deviez vous incliner devant cet homme; vous le respectez avant de savoir s’il mérite vos respects: vous croissez en âge et en connaissances; vous vous apercevez que cet homme est un charlatan pétri d’orgueil, d’intérêt et d’artifice; vous méprisez ce que vous révériez, et le préjugé cède au jugement. Vous avez cru par préjugé les fables dont on a bercé votre enfance; on vous a dit que les Titans firent la guerre aux dieux, et que Vénus fut amoureuse d’Adonis; vous prenez à douze ans ces fables pour des vérités; vous les regardez à vingt ans comme des allégories ingénieuses.
Examinons en peu de mots les différentes sortes de préjugés, afin de mettre de l’ordre dans nos affaires. Nous serons peut-être comme ceux qui, du temps du système de Law, s’aperçurent qu’ils avaient calculé des richesses imaginaires.

Préjugés des sens.
N’est-ce pas une chose plaisante que nos yeux nous trompent toujours, lors même que nous voyons très bien, et qu’au contraire nos oreilles ne nous trompent pas? Que votre oreille bien conformée entende: Vous êtes belle, je vous aime; il est bien sûr qu’on ne vous a pas dit: Je vous hais, vous êtes laide. Mais vous voyez un miroir uni; il est démontré que vous vous trompez, c’est une surface très raboteuse. Vous voyez le soleil d’environ deux pieds de diamètre; il est démontré qu’il est un million de fois plus gros que la terre.
Il semble que Dieu ait mis la vérité dans vos oreilles, et l’erreur dans vos yeux; mais étudiez l’optique, et vous verrez que Dieu ne vous a pas trompé, et qu’il est impossible que les objets vous paraissent autrement que vous les voyez dans l’état présent des choses.

Préjugés physiques.
Le soleil se lève, la lune aussi, la terre est immobile: ce sont là des préjugés physiques naturels. Mais que les écrevisses soient bonnes pour le sang, parce qu’étant cuites elles sont rouges comme lui; que les anguilles guérissent la paralysie, parce qu’elles frétillent; que la lune influe sur nos maladies, parce qu’un jour on observa qu’un malade avait eu un redoublement de fièvre pendant le décours de la lune: ces idées et mille autres ont été des erreurs d’anciens charlatans, qui jugèrent sans raisonner, et qui, étant trompés, trompèrent les autres.

Préjugés historiques.
La plupart des histoires ont été crues sans examen, et cette créance est un préjugé. Fabius Pictor raconte que, plusieurs siècles avant lui, une vestale de la ville d’Albe, allant puiser de l’eau dans sa cruche, fut violée, qu’elle accoucha de Romulus et de Rémus, qu’ils furent nourris par une louve, etc. Le peuple romain crut cette fable; il n’examina point si dans ce temps-là il y avait des vestales dans le Latium, s’il était vraisemblable que la fille d’un roi sortît de son couvent avec sa cruche, s’il était probable qu’une louve allaitât deux enfants au lieu de les manger; le préjugé s’établit.
Un moine écrit que Clovis, étant dans un grand danger à la bataille de Tolbiac, fit voeu de se faire chrétien s’il en réchappait; mais est-il naturel qu’on s’adresse à un dieu étranger dans une telle occasion? n’est-ce pas alors que la religion dans laquelle on est né agit le plus puissamment? Quel est le chrétien qui, dans une bataille contre les Turcs, ne s’adressera pas plutôt à la sainte Vierge qu’à Mahomet? On ajoute qu’un pigeon apporta la sainte ampoule dans son bec pour oindre Clovis, et qu’un ange apporta l’oriflamme pour le conduire; le préjugé crut toutes les historiettes de ce genre. Ceux qui connaissent la nature humaine savent bien que l’usurpateur Clovis, et l’usurpateur Rolon ou Rol, se firent chrétiens pour gouverner plus sûrement des chrétiens, comme les usurpateurs turcs se firent musulmans pour gouverner plus sûrement les musulmans.

Préjugés religieux.
Si votre nourrice vous a dit que Cérès préside aux blés, ou que Vistnou et Xaca se sont faits hommes plusieurs fois, ou que Sammonocodom est venu couper une forêt, ou qu’Odin vous attend dans sa salle vers le Jutland, ou que Mahomet ou quelque autre a fait un voyage dans le ciel; enfin si votre précepteur vient ensuite enfoncer dans votre cervelle ce que votre nourrice y a gravé, vous en tenez pour votre vie. Votre jugement veut-il s’élever contre ces préjugés, vos voisins, et surtout vos voisines crient à l’impie, et vous effrayent; votre derviche, craignant de voir diminuer son revenu, vous accuse auprès du cadi, et ce cadi vous fait empaler s’il le peut, parce qu’il veut commander à des sots, et qu’il croit que les sots obéissent mieux que les autres: et cela durera jusqu’à ce que vos voisins, et le derviche, et le cadi, commencent à comprendre que la sottise n’est bonne à rien, et que la persécution est abominable.

Miracles-Wunder (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Miracles (Wunder) aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Un miracle, selon l’énergie du mot, est une chose admirable. En ce cas, tout est miracle. L’ordre prodigieux de la nature, la rotationde cent millions de globes autour d’un million de soleils, l’activitéde la lumière, la vie des animaux, sont des miracles perpétuels.
Selon les idées reçues, nous appelons miracle la violationde ces lois divines et éternelles. Qu’il y ait une éclipsede soleil pendant la pleine lune, qu’un mort fasse à pied deux lieuesde chemin en portant sa tête entre ses bras, nous appelons cela unmiracle.
Plusieurs physiciens soutiennent qu’en ce sens il n’y a point de miracles,et voici leurs arguments.
Un miracle est la violation des lois mathématiques, divines,immuables, éternelles. Par ce seul exposé, un miracle est une contradiction dans les termes une loi ne peut être à lafois immuable et violée. Mais une loi, leur dit-on, étant établie par Dieu même, ne peut-elle être suspendue parson auteur? Ils ont la hardiesse de répondre que non, et qu’il est impossible que l’Être infiniment sage ait fait des lois pour les violer. Il ne pouvait, disent-ils, déranger sa machine que pour la faire mieux aller; or il est clair qu’étant Dieu, il a fait cette immense machine aussi bonne qu’il l’a pu: s’il a vu qu’il y aurait quelque imperfection résultante de la nature du la matière,il y a pourvu dès le commencement; ainsi il n’y changera jamais rien.
De plus, Dieu ne peut rien faire sans raison; or quelle raison le porterait à défigurer pour quelque temps son propre ouvrage?
« C’est en faveur des hommes, leur dit-on. — C’est donc au moins en faveur de tous les hommes, répondent-ils; car il est impossible de concevoir que la nature divine travaille pour quelques hommes en particulier,et non pas pour tout le genre humain: encore même le genre humain est bien peu de chose: il est beaucoup moindre qu’une petite fourmilière en comparaison de tous les êtres qui remplissent l’immensité. Or n’est-ce pas la plus absurde des folies d’imaginer que l’Être infini intervertisse en faveur de trois ou quatre centaines de fourmis,sur ce petit amas de fange, le jeu éternel de ces ressorts immenses qui font mouvoir tout l’univers?
« Mais supposons que Dieu ait voulu distinguer un petit nombre d’hommes par des faveurs particulières; faudra-t-il qu’il change ce qu’il a établi pour tous les temps et pour tous les lieux? Il n’a certes aucun besoin de ce changement, de cette circonstance, pour favoriser ses créatures; ses faveurs sont dans ses lois mêmes. Il atout prévu, tout arrangé pour elles; toutes obéissent irrévocablement à la force qu’il a imprimée pour jamais dans la nature.
« Pourquoi Dieu ferait-il un miracle? Pour venir à bout d’un certain dessein sur quelques êtres vivants! Il dirait donc: Je n’ai pu parvenir par la fabrique de l’univers, par mes décrets divins, par mes lois éternelles, à remplir un certain dessein; je vais changer mes éternelles idées, mes lois immuables,pour tâcher d’exécuter ce que je n’ai pu faire par elles.» Ce serait un aveu de sa faiblesse, et non de sa puissance; ce serait,ce semble, dans lui la plus inconcevable contradiction. Ainsi donc, oser supposer à Dieu des miracles, c’est réellement l’insulter (si des hommes peuvent insulter Dieu). C’est lui dire: Vous êtes un être faible et inconséquent. Il est donc absurde de croire des miracles; c’est déshonorer en quelque sorte la Divinité.
On presse ces philosophes; on leur dit: « Vous avez beau exalter l’immutabilité de l’Être suprême, l’éternitéde ses lois, la régularité de ses mondes infinis; notre petit tas de boue a été couvert de miracles; les histoires sont aussi remplies de prodiges que d’événements naturels. Les filles du grand prêtre Anius changeaient tout ce qu’elles voulaient en blé, en vin, ou en huile; Athalide, fille de Mercure, ressuscita plusieurs fois; Esculape ressuscita Hippolyte; Hercule arracha Alcesteà la mort; Hérès revint au monde après avoir passé quinze jours dans les enfers; Romulus et Rémus naquirent d’un dieu et d’une vestale; le palladium tomba du ciel dans la ville de Troie; la chevelure de Bérénice devint un assemblage d’étoiles;la cabane de Baucis et de Philémon fut changée en un superbe temple; la tête d’Orphée rendait des oracles aprèssa mort: les murailles de Thèbes se construisirent d’elles-mêmes au son de la flûte, en présence des Grecs; les guérisons faites dans le temple d’Esculape étaient innombrables, et nous avons encore des monuments chargés du nom des témoins oculaires des miracles d’Esculape.
Nommez-moi un peuple chez lequel il ne se soit pas opérédes prodiges incroyables, surtout dans des temps où l’on savait à peine lire et écrire.
Les philosophes ne répondent à ces objections qu’en riant et en levant les épaules; mais les philosophes chrétiens disent: « Nous croyons aux miracles opérés dans notre sainte religion; nous les croyons par la foi et non par la raison que nous nous gardons bien d’écouter; car lorsque la foi parle, on sait assez que la raison ne doit pas dire un seul mot: nous avons une croyance ferme et entière dans les miracles de Jésus-Christ et des apôtres, mais permettez-nous de douter un peu de plusieurs autres; souffrez, par exemple, que nous suspendions notre jugement sur ce que rapporte un homme simple auquel on a donné le nom de grand. Il assure qu’un petit moine était si fort accoutumé de faire des miracles, quele prieur lui défendit enfin d’exercer son talent. Le petit moine obéit; mais ayant vu un pauvre couvreur qui tombait du haut d’un toit, il balança entre le désir de lui sauver la vie et la sainte obédience. Il ordonna seulement au couvreur de rester en l’air jusqu’à nouvel ordre, et courut vite conter à son prieur l’état des choses. Le prieur lui donna l’absolution du péché qu’il avait commis en commençant un miracle sans permission, et lui permit de l’achever, pourvu qu’il s’en tînt là, et qu’il n’y revînt plus. On accorde aux philosophes qu’il faut un peu se défier de cette histoire.
Mais comment oseriez-vous nier, leur dit-on, que saint Gervais et saint Protais aient apparu en songe à saint Ambroise, qu’ils lui aient enseigné l’endroit où étaient leurs reliques? Que saint Ambroise les ait déterrées, et qu’elles aient guériun aveugle? » Saint Augustin était alors à Milan; c’est lui qui rapporte ce miracle, immenso populo teste, dit-il dans sa Cité de Dieu, livre XXII. Voilà un miracle des mieux constatés. Les philosophes disent qu’ils n’en croient rien, que Gervais et Protaisn’apparaissent à personne, qu’il importe fort peu au genre humain qu’on sache où sont les restes de leurs carcasses; qu’ils n’ont pas plus de foi à cet aveugle qu’à celui de Vespasien; que c’est un miracle inutile, que Dieu ne fait rien d’inutile; et ils se tiennent fermes dans leurs principes. Mon respect pour saint Gervais et saint Protaisne me permet pas d’être de l’avis de ces philosophes; je rends compte seulement de leur incrédulité. Ils font grand cas du passage de Lucien qui se trouve dans la mort de Peregrinus: « Quand un joueur de gobelets adroit se fait chrétien, il est sûr de faire fortune.» Mais comme Lucien est un auteur profane, il ne doit avoir aucune autorité parmi nous.
Ces philosophes ne peuvent se résoudre à croire les miracles opérés dans le IIe siècle. Des témoins oculaires ont beau écrire que l’évêque de Smyrne, saint Polycarpe, ayant été condamné à être brûlé, et étant jeté dans les flammes, ils entendirent une voix du ciel qui criait: « Courage, Polycarpe, sois fort, montre-toi homme; » qu’alors les flammes du bûcher s’écartèrent de son corps, et formèrent un pavillon de feu au-dessus de sa tête, et que du milieu du bûcher il sortit une colombe; enfin on fut obligé de trancher la tête de Polycarpe. « A quoi bon ce miracle? disent les incrédules; pourquoi les flammes ont-elles perdu leur nature, et pourquoi la hache de l’exécuteur n’a-t-elle pas perdu la sienne? D’où vient que tant de martyrs sont sortis sains et saufs de l’huile bouillante, et n’ont pu résister au tranchant du glaive?» On répond que c’est la volonté de Dieu. Mais les philosophes voudraient avoir vu tout cela de leurs yeux avant de le croire.
Ceux qui fortifient leurs raisonnements par la science vous diront que les Pères de l’Église ont avoué souvent eux-mêmes qu’il ne se faisait plus de miracles de leur temps. Saint Chrysostome dit expressément: « Les dons extraordinaires de l’Esprit étaient donnés même aux indignes, parce qu’alors l’Église avait besoin de miracles; mais aujourd’hui ils ne sont pas même donnés aux dignes, parce que l’Église n’en a plus besoin. » Ensuite il avoue qu’il n’y a plus personne qui ressuscite les morts, ni même qui guérisse les malades. Saint Augustin lui-même, malgré le miracle de Gervais et de Protais, dit, dans sa Cité de Dieu: « Pourquoi ces miracles qui se faisaient autrefois ne se font-ils plus aujourd’hui? » et il en donne la même raison. Cur, inquiunt, nunc illa miraculaquae praedicatis facta esse non fiunt? Possem quidem dicere necessariaprius fuisse quam crederet mundus, ad hoc ut crederet mundus. On objecte aux philosophes que saint Augustin, malgré cet aveu parle pourtant d’un vieux savetier d’Hippone qui, ayant perdu son habit, alla prier à la chapelle des vingt martyrs; qu’en retournant il trouva un poisson dans le corps duquel il y avait un anneau d’or, et que le cuisinier qui fit cuire le poisson dit au savetier: « Voilàce que les vingt martyrs vous donnent. » A cela les philosophes répondent qu’il n’y a rien dans cette histoire qui contredise les lois de la nature, que la physique n’est point du tout blessée qu’un poisson ait avalé un anneau d’or, et qu’un cuisinier ait donné cet anneau à un savetier; qu’il n’y a là aucun miracle. Si on fait souvenir ces philosophes que, selon saint Jérôme,dans sa Vie de l’ermite Paul, cet ermite eut plusieurs conversations avec des satyres et avec des faunes; qu’un corbeau lui apporta tous les jours pendant trente ans la moitié d’un pain pour son dîner, et un pain tout entier le jour que saint Antoine vint le voir, ils pourront répondre encore que tout cela n’est pas absolument contre la physique, que des satyres et des faunes peuvent avoir existé, et qu’en tout cas, si ce conte est une puérilité, cela n’a rien de commun avec les vrais miracles du Sauveur et de ses apôtres. Plusieurs bons chrétiens ont combattu l’histoire de saint Siméon Stylite, écrite par Théodoret; beaucoup de miracles qui passent pour authentiques dans l’Église grecque ont été révoqués en doute par plusieurs Latins, de même que des mirados latins ont été suspects à l’Église grecque; les protestants sont venus ensuite, qui ont fort maltraité les miracles de l’une et l’autre Église. Un savant jésuite, qui a prêché longtemps dans les Indes, se plaint de ce que ni ses confrères ni lui n’ont jamais pu faire de miracle. Xavier se lamente, dans plusieurs de ses lettres, de n’avoir point le don des langues; il dit qu’il n’est chez les Japonais que comme une statue muette cependant les jésuites ont écrit qu’il avait ressuscité huit morts; c’est beaucoup: mais il faut aussi considérer qu’il les ressuscitait à sixmille lieues d’ici. Il s’est trouvé depuis des gens qui ont prétendu que l’abolissement des jésuites en France est un beaucoup plus grand miracle que ceux de Xavier et d’Ignace. Quoi qu’il en soit, tous les chrétiens conviennent que les miracles de Jésus-Christ et des apôtres sont d’une vérité incontestable; mais qu’on peut douter à toute force de quelques miracles faits dans nos derniers temps, et qui n’ont pas eu une authenticité certaine. On souhaiterait, par exemple, pour qu’un miracle fût bien constaté, qu’il fût fait en présence de l’Académie des sciences de Paris, ou de la Société royale de Londres, et de la Faculté de médecine assistées d’un détachement du régiment des gardes, pour contenir la foule du peuple, qui pourrait, par son indiscrétion, empêcher l’opération du miracle. On demandait un jour à un philosophe ce qu’il dirait s’il voyait le soleil s’arrêter, c’est-à-dire si le mouvement de la terre autour de cet astre cessait, si tous les morts ressuscitaient, et si toutes les montagnes allaient se jeter de compagnie dans la mer, le tout pour prouver quelque vérité importante, comme, par exemple, lagrâce versatile. « Ce que je dirais? répondit le philosophe,je me ferais manichéen; je dirais qu’il y a un principe qui défaitce que l’autre a fait. »

Fanatisme (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Fanatisme aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique.
Barthélemy Diaz retiré à Nuremberg qui était fermement convaincu que le pape est l’antechrist de l’Apocalypse et qu’il a le signe de la bête, n’était qu’un enthousiaste; Barthélemy Diaz qui partit de Rome pour aller assassiner saintement son frère, et qi le tua en effet por l’amour de Dieu, était un des plus abdominables fanatiques que la superstition ait pû jamais former.
Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du duc François de Guise, de Guillaume prince d’Orange, du roi Henri III, du roi Henri IV, et de tant d’autres, étaient des énergumènes malades de la même rage que Diaz.
Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l’ex-jésuite Paulian, ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde: mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.
Il y a des fanatiques de sang-froid: ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de ne pas penser comme eux; et ces juges-là sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genre humain, que, n’étant pas dans un accès de fureur comme les Clément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble qu’ils pourraient écouter la raison.
Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux: leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.
Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dés que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod qui assassine le roi Églon; de Judith qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui; de Samuel qui hache en morceaux le roi Agag; du prêtre Joad qui assassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans l’antiquité, sont abominables dans le temps présent: ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage: c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?
Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. Il n’y a eu qu’une seule religion dans le monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède.
Car l’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre.

Ainsi du plumage qu’il eut
Icare pervertit l’usage:
Il le reçut pour son salut,
Il s’en servit pour son dommage.
(Bertaud, évêque de Séez.)

Beau, Beauté – Schön, Schönheit (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Beau (das Schöne) aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté, le grand beau, le to kalon. Il vous répondra que c’est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un nègre de Guinée; le beau est pour lui une peau noire, huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté.
Interrogez le diable; il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre griffes, et une queue. Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par du galimatias; il leur faut quelque chose de conforme à l’archétype du beau en essence, au to kalon.
J’assistais un jour à une tragédie auprès d’un philosophe. « Que cela est beau! disait-il. — Que trouvez-vous là de beau? lui dis-je. — C’est, dit-il, que l’auteur a atteint son but. » Le lendemain il prit une médecine qui lui fit du bien. « Elle a atteint son but, lui dis-je; voilà une belle médecine! » Il comprit qu’on ne peut pas dire qu’une médecine est belle, et que pour donner à quelque chose le nom de beauté, il faut qu’elle vous cause de l’admiration et du plaisir. Il convint que cette tragédie lui avait inspiré ces deux sentiments, et que c’était là le to kalon, le beau.
Nous fîmes un voyage en Angleterre: on y joua la même pièce, parfaitement traduite; elle fit bâiller tous les spectateurs. « Oh, oh! dit-il, le to kalon n’est pas le même pour les Anglais et pour les Français. Il conclut, après bien des réflexions, que le beau est souvent très relatif, comme ce qui est décent au Japon est indécent à Rome, et ce qui est de mode à Paris ne l’est pas à Pékin; et il s’épargna la peine de composer un long traité sur le beau.

Apis – der Stier (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Apis aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Le boeuf Apis était-il adoré à Memphis comme dieu, comme symbole, ou comme boeuf? Il est à croire que les fanatiques voyaient en lui un dieu, les sages un simple symbole, et que le sot peuple adorait le boeuf. Cambyse fit-il bien, quand il eut conquis l’Égypte, de tuer ce boeuf de sa main? Pourquoi non? Il faisait voir aux imbéciles qu’on pouvait mettre leur dieu à la broche, sans que la nature s’armât pour venger ce sacrilège. On a fort vanté les Égyptiens. Je ne connais guère de peuple plus misérable; il faut qu’il y ait toujours eu dans leur caractère et dans leur gouvernement un vice radical qui en a toujours fait de vils esclaves. Je consens que dans les temps presque inconnus ils aient conquis la terre; mais dans les temps de l’histoire ils ont été subjugués par tous ceux qui ont voulu s’en donner la peine, par les Assyriens, par les Grecs, par les Romains, par les Arabes, par les Mamelucks, par les Turcs, enfin par tout le monde, excepté par nos croisés, attendu que ceux-ci étaient plus malavisés que les Égyptiens n’étaient lâches. Ce fut la milice des Mamelucks qui battit les Français. Il n’y a peut-être que deux choses passables dans cette nation: la première, que ceux qui adoraient un boeuf ne voulurent jamais contraindre ceux qui adoraient un singe à changer de religion; la seconde, qu’ils ont fait toujours éclore des poulets dans des fours.
On vante leurs pyramides; mais ce sont des monuments d’un peuple esclave. Il faut bien qu’on y ait fait travailler toute la nation, sans quoi on n’aurait pu venir à bout d’élever ces vilaines masses. A quoi servaient-elles? À conserver dans une petite chambre la momie de quelque prince, ou de quelque gouverneur, ou de quelque intendant, que son âme devait ranimer au bout de mille ans. Mais s’ils espéraient cette résurrection des corps pourquoi leur ôter la cervelle avant de les embaumer? Les Égyptiens devaient-ils ressusciter sans cervelle?

Ange – Engel (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Ange (Engel) aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Ange, en grec, envoyé; on n’en sera guère plus instruit quand on saura que les Perses avaient des Péris, les Hébreux des Malakim, les Grecs leurs Daimonoi. Mais ce qui nous instruira peut-être davantage, ce sera qu’une des premières idées des hommes a toujours été de placer des êtres intermédiaires entre la Divinité et nous; ce sont ces démons, ces génies que l’antiquité inventa; l’homme fit toujours les dieux à son image. On voyait les princes signifier leurs ordres par des messagers, donc la Divinité envoie aussi ses courriers: Mercure, Iris, étaient des courriers, des messagers.
Les Hébreux, ce seul peuple conduit par la Divinité même, ne donnèrent point d’abord de noms aux anges que Dieu daignait enfin leur envoyer; ils empruntèrent les noms que leur donnaient les Chaldéens, quand la nation juive fut captive dans la Babylonie; Michel et Gabriel sont nommés pour la première fois par Daniel, esclave chez ces peuples. Le Juif Tobie qui vivait à Ninive, connut l’ange Raphaël qui voyagea avec son fils pour l’aider à retirer de l’argent que lui devait le Juif Gabaël.
Dans les lois des Juifs, c’est-à-dire dans le Lévitique et le Deutéronome, il n’est pas fait la moindre mention de l’existence des anges, à plus forte raison de leur culte; aussi les saducéens ne croyaient-ils point aux anges.
Mais dans les histoires des Juifs il en est beaucoup parlé. Ces anges étaient corporels; ils avaient des ailes au dos, comme les gentils feignirent que Mercure en avait aux talons; quelquefois ils cachaient leurs ailes sous leurs vêtements. Comment n’auraient-ils pas eu de corps, puisqu’ils buvaient et mangeaient, et que les habitants de Sodome voulurent commettre le péché de pédérastie avec les anges qui allèrent chez Loth?
L’ancienne tradition juive, selon Ben Maimon, admet dix degrés, dix ordres d’anges. 1. Les chaios acodesh, purs, saints. 2. Les ofamin, rapides. 3. Les oralim, les forts. 4. Les chasmalim. les flammes. 5. Les séraphim, étincelles. 6. Les malakim, anges, messagers. députés. 7. Les eloim, les dieux ou juges. 8. Les ben eloim, enfants des dieux. 9. Cherubim. images. 10. Ychim, les animés.
L’histoire de la chute des anges ne se trouve point dans les livres de Moïse; le premier témoignage qu’on en rapporte est celui du prophète Isaïe, qui, apostrophant le roi de Babylone, s’écrie(6): « Qu’est devenu l’exacteur des tributs? les sapins et les cèdres se réjouissent de sa chute; comment es-tu tombé du ciel, ô Hellel, étoile du matin? » On a traduit cet Hellel par le mot latin Lucifer; et ensuite, par un sens allégorique, on a donné le nom de Lucifer au prince des anges qui firent la guerre dans le ciel; et enfin ce nom, qui signifie phosphore et aurore, est devenu le nom du diable.
La religion chrétienne est fondée sur la chute des anges. Ceux qui se révoltèrent furent précipités des sphères qu’ils habitaient dans l’enfer au centre de la terre, et devinrent diables. Un diable tenta Ève sous la figure d’un serpent, et damna le genre humain. Jésus vint racheter le genre humain, et triompher du diable, qui nous tente encore. Cependant cette tradition fondamentale ne se trouve que dans le livre apocryphe d’Énoch, et encore y est-elle d’une manière toute différente de la tradition reçue.
Saint Augustin, dans sa cent neuvième lettre, ne fait nulle difficulté d’attribuer des corps déliés et agiles aux bons et aux mauvais anges. Le pape Grégoire Ier a réduit à neuf choeurs, à neuf hiérarchies ou ordres, les dix choeurs des anges reconnus par les Juifs.
Les Juifs avaient dans leur temple deux chérubins ayant chacun deux têtes, l’une de boeuf et l’autre d’aigle, avec six ailes. Nous les peignons aujourd’hui sous l’image d’une tête volante, ayant deux petites ailes au-dessous des oreilles. Nous peignons les anges et les archanges sous la figure de jeunes gens, ayant deux ailes au clos. A l’égard des trônes et des dominations, on ne s’est pas encore avisé de les peindre.
Saint Thomas, à la question cviii, art. 2, dit que les trônes sont aussi près de Dieu que les chérubins et les séraphins parce que c’est sur eux que Dieu est assis. Scot a compté mille millions d’anges. L’ancienne mythologie des bons et des mauvais génies ayant passé de l’Orient en Grèce et à Rome, nous consacrâmes cette opinion, en admettant pour chaque homme un bon et un mauvais ange, dont l’un l’assiste, et l’autre lui nuit depuis sa naissance jusqu’à sa mort: mais on ne sait pas encore si ces bons et mauvais anges passent continuellement de leur poste à un autre, ou s’ils sont relevés par d’autres. Consultez sur cet article la Somme de saint Thomas.
On ne sait pas précisément où les anges se tiennent, si c’est dans l’air, dans le vide, dans les planètes: Dieu n’a pas voulu que nous en fussions instruits.

Amour nommé socratique – Homosexualität (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Amour nommé socratique (Homosexualität) aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Comment s’est-il pu faire qu’un vice destructeur du genre humain s’il était général, qu’un attentat infâme contre la nature, soit pourtant si naturel? Il paraît être le dernier degré de la corruption réfléchie; et cependant il est le partage ordinaire de ceux qui n’ont pas encore eu le temps d’être corrompus. Il est entré dans des coeurs tout neufs, qui n’ont connu encore ni l’ambition, ni la fraude, ni la soif des richesses. C’est la jeunesse aveugle qui, par un instinct mal démêlé, se précipite dans ce désordre au sortir de l’enfance.

Le penchant des deux sexes l’un pour l’autre se déclare de bonne heure; mais quoi qu’on ait dit des Africaines et des femmes de l’Asie méridionale, ce penchant est généralement beaucoup plus fort dans l’homme que dans la femme; c’est une loi que la nature a établie pour tous les animaux; c’est toujours le mâle qui attaque la femelle.

Les jeunes mâles de notre espèce, élevés ensemble, sentant cette force que la nature commence à déployer en eux, et ne trouvant point l’objet naturel de leur instinct, se rejettent sur ce qui lui ressemble. Souvent un jeune garçon, par la fraîcheur de son teint, par l’éclat de ses couleurs, et par la douceur de ses yeux, ressemble pendant deux ou trois ans à une belle fille; si on l’aime, c’est parce que la nature se méprend; on rend hommage au sexe, en s’attachant à ce qui en a les beautés; et quand l’âge a fait évanouir cette ressemblance, la méprise cesse.

. . . . . . . . . . . . . . . . . Citraque juventam Aetatis breve ver et primos carpere flores.

On sait assez que cette méprise de la nature est beaucoup plus commune dans les climats doux que dans les glaces du Septentrion, parce que le sang y est plus allumé, et l’occasion plus fréquente: aussi ce qui ne paraît qu’une faiblesse dans le jeune Alcibiade, est une abomination dégoûtante dans un matelot hollandais et dans un vivandier moscovite.

Je ne peux souffrir qu’on prétende que les Grecs ont autorisé cette licence. On cite le législateur Selon, parce qu’il a dit en deux mauvais vers:

Tu chériras un beau garçon, Tant qu’il n’aura barbe au menton.

Mais en bonne foi, Solon était-il législateur quand il fit ces deux vers ridicules? Il était jeune alors, et quand le débauché fut devenu sage, il ne mit point une telle infamie parmi les lois de sa république. Accusera-t-on Théodore de Bèze d’avoir prêché la pédérastie dans son Église, parce que dans sa jeunesse il fit des vers pour le jeune Candide, et qu’il dit:

« Amplector hunc et illam. »

On abuse du texte de Plutarque, qui dans ses bavarderies, au Dialogue de l’amour, fait dire à un interlocuteur que les femmes ne sont pas dignes du véritable amour;mais un autre interlocuteur soutient le parti des femmes comme il le doit. On a pris l’objection pour la décision.

Il est certain, autant que la science de l’antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’est point un amour infâme: c’est ce nom d’amour qui a trompé. Ce qu’on appelait les amants d’un jeune homme étaient précisément ce que sont parmi nous les menins de nos princes, ce qu’étaient les enfants d’honneur, des jeunes gens attachés à l’éducation d’un enfant distingué, partageant les mêmes études, les mêmes travaux militaires; institution guerrière et sainte dont on abusa comme des fêtes nocturnes et des orgies.

La troupe des amants instituée par Laïus était une troupe invincible de jeunes guerriers engagés par serment à donner leur vie les uns pour les autres; et c’est ce que la discipline antique a jamais eu de plus beau.

Sextus Empiricus et d’autres ont beau dire que ce vice était recommandé par les lois de la Perse. Qu’ils citent le texte de la loi; qu’ils montrent le code des Persans et si cette abomination s’y trouvait, je ne la croirais pas; je dirais que la chose n’est pas vraie, par la raison qu’elle est impossible. Non, il n’est pas dans la nature humaine de faire une loi qui contredit et qui outrage la nature, une loi qui anéantirait le genre humain si elle était observée à la lettre. Mais moi je vous montrerai l’ancienne loi des Persans, rédigée dans le Sadder. Il est dit, à l’article ou porte 9, qu’il n’y a point de plus grand péché. C’est en vain qu’un écrivain moderne a voulu justifier Sextus Empiricus et la pédérastie; les lois de Zoroastre, qu’il ne connaissait pas, sont un témoignage irréprochable que ce vice ne fut jamais recommandé par les Perses. C’est comme si on disait qu’il est recommandé par les Turcs. Ils le commettent hardiment; mais les lois le punissent. Que de gens ont pris des usages honteux et tolérés dans un pays pour les lois du pays! Sextus Empiricus, qui doutait de tout, devait bien douter de cette jurisprudence. S’il eût vécu de nos jours, et qu’il eût vu deux ou trois jeunes jésuites abuser de quelques écoliers, aurait-il eu droit de dire que ce jeu leur est permis par les constitutions d’Ignace de Loyola?

L’amour des garçons était si commun à Rome, qu’on ne s’avisait pas de punir cette turpitude, dans laquelle presque tout le monde donnait tête baissée. Octave-Auguste ce meurtrier débauché et poltron, qui osa exiler Ovide, trouva très bon que Virgile chantât Alexis; Horace, son autre favori, faisait de petites odes pour Ligurinus. Horace, qui louait Auguste d’avoir réformé les moeurs, proposait également dans ses satires un garçon et une fille; mais l’ancienne loi Scantinia, qui défend la pédérastie, subsista toujours: l’empereur Philippe la remit en vigueur, et chassa de Rome les petits garçons qui faisaient le métier. S’il y eut des écoliers spirituels et licencieux comme Pétrone, Rome eut des professeurs tels que Quintilien. Voyez quelles précautions il apporte dans le chapitre du Précepteur pour conserver la pureté de la première jeunesse: « Cavendum non solum crimine turpitudinis, sed etiam suspicione. » Enfin je ne crois pas qu’il y ait jamais eu aucune nation policée qui ait fait des lois contre les moeurs.