Wir geben hier den Artikel Le Ciel des anciens – Der Himmel der Antike aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.
Si un ver à soie donnait le nom de ciel au petit duvet qui entoure sa coque, il raisonnerait aussi bien que firent tous les anciens, en donnant le nom de ciel à l’atmosphère, qui est, comme dit très bien M. de Fontenelle dans ses Mondes, le duvet de notre coque.
Les vapeurs qui sortent de nos mers et de notre terre, et qui forment les nuages, les météores et les tonnerres, furent pris d’abord pour la demeure des dieux. Les dieux descendent toujours dans des nuages d’or chez Homère; c’est de là que les peintres les peignent encore aujourd’hui assis sur une nuée. Comment est-on assis sur l’eau? Il était bien juste que le maître des dieux fût plus à son aise que les autres: on lui donna un aigle pour le porter, parce que l’aigle vole plus haut que les autres oiseaux.
Les anciens Grecs, voyant que les maîtres des villes demeuraient dans des citadelles, au haut de quelque montagne, jugèrent que les dieux pouvaient avoir une citadelle aussi, et la placèrent en Thessalie sur le mont Olympe, dont le sommet est quelquefois caché dans les nues; de sorte que leur palais était de plain-pied à leur ciel.
Les étoiles et les planètes, qui semblent attachées à la voûte bleue de notre atmosphère, devinrent ensuite les demeures des dieux; sept d’entre eux eurent chacun leur planète, les autres logèrent où ils purent: le conseil général des dieux se tenait dans une grande salle à laquelle on allait par la voie lactée; car il fallait bien que les dieux eussent une salle en l’air, puisque les hommes avaient des hôtels de ville sur la terre.
Quand les Titans, espèce d’animaux entre les dieux et les hommes, déclarèrent une guerre assez juste à ces dieux-là pour réclamer une partie de leur héritage du côté paternel, étant fils du Ciel et de la Terre, ils ne mirent que deux ou trois montagnes les unes sur les autres, comptant que c’en était bien assez pour se rendre maîtres du ciel et du château de l’Olympe.
Neve foret terris securior arduus aether,
Affectasse ferunt regnum coeleste gigantes,
Altaque congestos struxisse ad sidera montes.
Cette physique d’enfants et de vieilles était prodigieusement ancienne: cependant on croit que les Chaldéens avaient des idées presque aussi saines que nous de ce qu’on appelle le ciel; ils plaçaient le soleil au centre de notre monde planétaire, à peu près à la distance de notre globe que nous avons reconnue: ils faisaient tourner la terre et quelques planètes autour de cet astre: c’est ce que nous apprend Aristarque de Samos: c’est à peu près le système du monde que Copernic a perfectionné depuis; mais les philosophes gardaient le secret pour eux, afin d’être plus respectés des rois et du peuple, ou plutôt pour n’être pas persécutés.
Le langage de l’erreur est si familier aux hommes que nous appelons encore nos vapeurs, et l’espace de la terre à la lune, du nom de ciel: nous disons monter au ciel, comme nous disons que le soleil tourne, quoiqu’on sache bien qu’il ne tourne pas. Nous sommes probablement le ciel pour les habitants de la lune, et chaque planète place son ciel dans la planète voisine.
Si on avait demandé à Homère dans quel ciel était allée l’âme de Sarpédon, et où était celle d’Hercule, Homère eût été bien embarrassé: il eût répondu par des vers harmonieux.
Quelle sûreté avait-on que l’âme aérienne d’Hercule se fût trouvée plus à son aise dans Vénus, dans Saturne, que sur notre globe? Aurait-elle été dans le soleil? la place ne paraît pas tenable dans cette fournaise. Enfin, qu’entendaient les anciens par le ciel? ils n’en savaient rien; ils criaient toujours le ciel et la terre; c’est comme si l’on criait l’infini et un atome. Il n’y a point, à proprement parler, de ciel; il y a une quantité prodigieuse de globes qui roulent dans l’espace vide, et notre globe roule comme les autres.
Les anciens croyaient qu’aller dans les cieux c’était monter: mais on ne monte point d’un globe à un autre; les globes célestes sont tantôt au-dessus de notre horizon, tantôt au-dessous. Ainsi, supposons que Vénus, étant venue à Paphos, retournât dans sa planète quand cette planète était couchée, la déesse Vénus ne montait point alors par rapport à notre horizon: elle descendait, et on devait dire en ce cas descendre au ciel. Mais les anciens n’y entendaient pas tant de finesse; ils avaient des notions vagues, incertaines, contradictoires, sur tout ce qui tenait à la physique. On a fait des volumes immenses pour savoir ce qu’ils pensaient sur bien des questions de cette sorte. Quatre mots auraient suffi: Ils ne pensaient pas.
Il faut toujours en excepter un petit nombre de sages, mais ils sont venus tard; peu ont expliqué leurs pensées, et quand ils l’ont fait, les charlatans de la terre les ont envoyés au ciel par le plus court chemin.
Un écrivain, qu’on nomme, je crois, Pluche, a prétendu faire de Moïse un grand physicien; un autre avait auparavant concilié Moïse avec Descartes, et avait imprimé le Cartesius mosaïzans(18); selon lui, Moïse avait inventé le premier les tourbillons et la matière subtile mais on sait assez que Dieu, qui lit de Moïse un grand législateur, un grand prophète, ne voulut point du tout en faire un professeur de physique; il instruisit les Juifs de leur devoir, et ne leur enseigna pas un mot de philosophie. Calmet, qui a beaucoup compilé, et qui n’a raisonné jamais, parle du système des Hébreux; mais ce peuple grossier était bien loin d’avoir un système; il n’avait pas même d’école de géométrie; le nom leur en était inconnu; leur seule science était le métier de courtier et l’usure.
On trouve dans leurs livres quelques idées louches, incohérentes, et dignes en tout d’un peuple barbare, sur la structure du ciel. Leur premier ciel était l’air; le second, le firmament, où étaient attachées les étoiles: ce firmament était solide et de glace, et portait les eaux supérieures, qui s’échappèrent de ce réservoir par des portes, des écluses, des cataractes, au temps du déluge.
Au dessus de ce firmament, ou de ces eaux supérieures, était le troisième ciel, ou l’empyrée, où saint Paul fut ravi. Le firmament était une espèce de demi-voûte qui embrassait la terre. Le soleil ne faisait point le tour d’un globe qu’ils ne connaissaient pas. Quand il était parvenu à l’occident, il revenait à l’orient par un chemin inconnu; et si on ne le voyait pas, c’était, comme le dit le baron de Foeneste, parce qu’il revenait de nuit.
Encore les Hébreux avaient-ils pris ces rêveries des autres peuples. La plupart des nations, excepté l’école des Chaldéens, regardaient le ciel comme solide; la terre fixe et immobile était plus longue d’orient en occident, que du midi au nord, d’un grand tiers: de là viennent ces expressions de longitude et de latitude que nous avons adoptées. On voit que dans cette opinion il était impossible qu’il y eût des antipodes. Aussi saint Augustin traite l’idée des antipodes d’absurdité; et Lactance, que nous avons déjà cité, dit expressément: « Y a-t-il des gens assez fous pour croire qu’il y ait des hommes dont la tête soit plus basse que les pieds? etc. »
St. Chrysostome s’écrie dans sa quatorzième homélie: « Où sont ceux qui prétendent que les cieux sont mobiles, et que leur forme est circulaire? »
Lactance dit encore au livre III de ses Institutions: « Je pourrais vous prouver par beaucoup d’arguments qu’il est impossible que le ciel entoure la terre. »
L’auteur du Spectacle de la nature pourra dire à M. le chevalier, tant qu’il voudra, que Lactance et saint Chrysostome étaient de grands philosophes; on lui répondra qu’ils étaient de grands saints, et qu’il n’est point du tout nécessaire, pour être un saint, d’être un bon astronome. On croira qu’ils sont au ciel, mais on avouera qu’on ne sait pas dans quelle partie du ciel précisément.