Wir geben hier den Artikel Salomon aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.
Salomon, pouvait-il être aussi riche qu’on le dit?
Les Paralipomènes assurent que le Melk David son père lui laissa environ vingt milleiards de nottre monnaie au cours de ce jour, selon la supputation la plus modeste. Il n’y a pas tant d’argent dans toute la terre, et il est assez difficile que David ait pû amasser ce trésor dans le petit pays de la Palestine.
Salomon, selon le troisième livre des Rois, avait quarante mille écuries pour les chevaux de ses chariots. Quant chaque écurerie n’aurait contenu que dix chevaux, cela n’aurait composé que le nombre de quatre cent mille, qui joints à ses douze mille chevaux de selle, eût fait quatre cent douze mille chevaux de bataille. C’est beaucoup pour un Melk juif qui ne fit jamais la guerre. Cette magnificence n’a guère d’exemple dans un pays qui ne nourrit que des ânes, et oû il n’y a pas aujourd’hui d’autre monture. Mais apparement que les temps sont changés; il est vrai qu’un prince si sage qui avait mille femme, pouvait bien avoir aussi quatre cent douze mille chevaux, ne fût-ce que pour aller se promener avec elles, ou le long du lac Génézareth, ou vers celui de Sodome, ou vers le torrent de Cédron, qui est un des endroits des plus délicieux de la terre, quoiqu’à la vérité ce torrent soit sec neuf mois de l’année, et que le terrain soit un peu pierreux.
Mais ce sage Salomon a-t-il fait des ouvrages qu’on lui attribue? Est-il vraisemblable, par exemple, qu’il soit l’auteur de l’églogue juive intitulée le Cantique des Cantiques?
Il se peut qu’un monarque qui avait mille femmes ait dit à l’une d’elles: Qu’elle me baise d’un baiser de sa bouche, car vos tétons sont meilleurs que le vin.; un roi et un berger, quand il s’agit de baiser sur la bouche, peuvent s’exprimer de la même manière. Il est vrai qu’il est assez étrange qu’on ait prétendu que c’était la fille qui parlait en cet endroit, et qui faisait l’éloge des tétons de son amant.
Je ne nierai pas ecore qu’un roi galant ait fait dire à sa maîtresse, mon bien aimé est comme un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes tetons. Je n’entends pas trop ce que c’est qu’un bouquet de mirrhe; mais enfin quand la bie-aimée avice son bien-aimé de lui passer la main gauche sur le cou, et de l’embrasser de la main droite, je l’entends fort bien.
On pourrait demander quelques exlications à l’auteur du cantique, quand il dit: Votre nombril est comme une coupe dans laquelle il y a toujours quelque chose à boire; votre ventre est comme un boisseau de froment, vos tétons sont comme deux faons de chevreuil, et votre nez est comme la tour du Mont Liban.
J’avoue que les églogues de Virgile sont d’un autre style; mais chacun a le sien, et un Juif n’est pas obligé d’écrire comme Virgile.
C’est apparemment encore un beau tour d’éloquence orientale, que de dire,
Notre soeur est encore petite, elle n’a point de tétons; que forons-nous de notre soeur? Si c’est un mur, bâtissons dessus; si c’est une porte, fermons-la.
A la bonne heure que Salomon, le plus sage des hommes, ait parlé ainsi dans ses goguettes; c’était, dit-on, son épithalame pour son marriage avec la fille de Pharaon; mais est-il naturel que le gendre de Pharaon quitte sa bien-aimée pendant la nuit, pour aller dans son jardin des noyers, que la reine coure toute seule après lui nus-pieds, qu’elle soit battue par les gardes de la ville, et qu’ils lui prennent sa robe?
La fille d’un roi aurait-elle pu dire: Je suis brune, mais je suis belle, comme les fourures de Salomon? On passerait de telles expressions à un berger, quoiqu’après tout il n’y ait pas grand rapport entre la beauté d’une fille, et des fourures. Mais enfin, les pelisses de Salomon pouvaient avoir été admirées de leur temps; et un juif de la lie du people, qui faisait des vers pour sa maîtresse, pouvait fort bien lui dire dans son langage juif, que jamais aucun roi juif n’avait eu des robes fourées aussi belle qu’elle; mais il eût falu que le roi Salomon eût été bien enthousiasmé de ses fourures pour les comparer à sa maîtresse; un roi de nos jours qui composerait une belle épithalame pour son marriage avec la fille d’un roi son voisin, ne passerait pas, à coup sûr, pour le meilleur poète de son royaume.
Plusieurs rabbins ont soutenu que non seulement cette petite églogue voluptueuse n’était pas du roi Salomon, mais qu’elle n’était pas authentique. Théodore de Mopsueste était de ce sentiment; et le célèbre Grotius appelle le Cantique des cantiques un ouvrage libertin, flagitiosus, cependant il est consacré, et on le regarde comme une allégorie perpétuelle du mariage de Jésus-Christ avec son Église. Il faut avouer que l’allégorie est un peu forte, et qu’on ne voit pas ce que l’Église pourrait entendre quand l’auteur dit que sa petite soeur n’a point de tétons, et si c’est un muur, il faut bâtir dessus.
Le livre de la Sagesse est dans un goût plus sérieux; mais il n’est pas plus de Salomon que le Cantique des cantiques. On l’attribue communément à Jésus fils de Sirac, d’autres à Philon de Biblos: mais quel que soit l’auteur, on a cru que de son temps on n’avait point encore le Pentateuque; car il dit, au chapitre x, qu’Abraham voulut immoler Isaac du temps du déluge, et dans un autre endroit il parle du patriarche Joseph comme d’un roi d’Égypte.
Les Proverbes ont été attribués à Isaïe, à Elzia, à Sobna, à Éliacin, à Joacké, et à plusieurs autres; mais qui que ce soit qui ait compilé ce recueil de sentences orientales, il n’y a pas d’apparence que ce soit un roi qui s’en soit donné la peine. Aurait-il dit que « la terreur du roi est comme le rugissement du lion? » C’est ainsi que parle un sujet ou un esclave que la colère de son maître fait trembler. Salomon aurait-il tant parlé de la femme impudique? Aurait-il dit: « Ne regardez point le vin quand il paraît clair, et que sa couleur brille dans le verre? »
Je doute fort qu’on ait eu des verres à boire du temps de Salomon; c’est une invention fort récente; toute l’antiquité buvait dans des tasses de bois ou de métal; et ce seul passage indique que cette ouvrage fut fait par un juif d’Alexandrie, longtemps après Alexandre.
Reste l’Ecclésiaste, que Grotius pretend d’avoir été écrit sous Zorobabel. On sait assez avec quelle liberté l’auteure de l’Ecclésiaste s’exprime; on sait qu’il dit que les hommes n’ont rien de plus que les bêtes; qu’il vaut mieux n’être pas né que d’exister; qu’il n y a point d’autre vie, qu’il n’y a rien de bien que de se réjouir dans ses oeuvres avec celle qu’on aime.
Il se pourrait faire que Salomon eût tenu de tels discours à quelques-unes de ses femmes: on prétend que ce sont des objections qu’il se fait; mais ces maximes, qui ont l’air un peu libertin, ne ressemblent point du tout à des objections; et c’est se moquer du monde d’entendre dans un auteur le contraire de ce qu’il dit.
Au reste, plusieurs Pères ont prétendu que Salomon avait fait pénitence; ainsi on peut lui pardonner.
Mais que ces livres aient été écrits par un Juif, que nous importe? Notre religion chrétienne est fondée sur la juive, mais non pas sur tous les livres que les Juifs ont faits. Pourquoi le Cantique des cantiques, par exemple, serait-il plus sacré pour nous que les fables du Talmud? C’est, dit-on, que nous l’avons compris dans le canon des Hébreux. Et qu’est-ce que ce canon? C’est un recueil d’ouvrages authentiques. Eh bien! un ouvrage pour être authentique est-il divin? une histoire des roitelets de Juda et de Sichem, par exemple, est-elle autre chose qu’une histoire? Voilà un étrange préjugé. Nous avons les Juifs en horreur, et nous voulons que tout ce qui a été écrit par eux et recueilli par nous porte l’empreinte de la Divinité. Il n’y a jamais eu de contradiction si palpable.