Wir geben hier den Artikel De la Chine – Über China aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.
Nous allons chercher à la Chine de la terre, comme si nous n’en avions point; des étoffes, comme si nous manquions d’étoffes; une petite herbe pour infuser dans de l’eau, comme si nous n’avions point de simples dans nos climats. En récompense, nous voulons convertir les Chinois: c’est un zèle très louable mais il ne faut pas leur contester leur antiquité, et leur dire qu’ils sont des idolâtres. Trouverait-on bon, en vérité, qu’un capucin, ayant été bien reçu dans un château des Montmorency, voulût leur persuader qu’ils sont nouveaux nobles, comme les secrétaires du roi, et les accuser d’être idolâtres, parce qu’il aurait trouvé dans ce château deux ou trois statues de connétables, pour lesquelles on aurait un profond respect?
Le célèbre Wolf, professeur de mathématiques dans l’université de Hall, prononça un jour un très bon discours à la louange de la philosophie chinoise; il loua cette ancienne espèce d’hommes, qui diffère de nous par la barbe, par les yeux, par le nez, par les oreilles, et par le raisonnement; il loua, dis-je, les Chinois d’adorer un Dieu suprême, et d’aimer la vertu; il rendait cette justice aux empereurs de la Chine, aux colaos, aux tribunaux, aux lettrés. La justice qu’on rend aux bonzes est d’une espèce différente.
Il faut savoir que ce Wolf attirait à Hall un millier d’écoliers de toutes les nations. Il y avait dans la même université un professeur de théologie nommé Lange, qui n’attirait personne; cet homme, au désespoir de geler de froid seul dans son auditoire, voulut, comme de raison, perdre le professeur de mathématiques; il ne manqua pas, selon la coutume de ses semblables, de l’accuser de ne pas croire en Dieu.
Quelques écrivains d’Europe, qui n’avaient jamais été à la Chine, avaient prétendu que le gouvernement de Pékin était athée. Wolf avait loué les philosophes de Pékin, donc Wolf était athée; l’envie et la haine ne font jamais de meilleurs syllogismes. Cet argument de Lange, soutenu d’une cabale et d’un protecteur, fut trouvé concluant par le roi du pays, qui envoya un dilemme en forme au mathématicien ce dilemme lui donnait le choix de sortir de Hall dans vingt-quatre heures, ou d’être pendu. Et comme Wolf raisonnait fort juste, il ne manqua pas de partir; Sa retraite ôta au roi deux ou trois cent mille écus par an, que ce philosophe faisait entrer dans le royaume par l’affluence de ses disciples.
Cet exemple doit faire sentir aux souverains qu’il ne faut pas toujours écouter la calomnie, et sacrifier un grand homme à la fureur d’un sot. Revenons à la Chine.
De quoi nous avisons-nous, nous autres au bout de l’Occident, de disputer avec acharnement et avec des torrents d’injures, pour savoir s’il y avait eu quatorze princes, ou non, avant Fo-hi, empereur de la Chine, et si ce Fo-hi vivait trois mille, ou deux mille neuf cents ans avant notre ère vulgaire? Je voudrais bien que deux Irlandais s’avisassent de se quereller à Dublin pour savoir quel fut, au xiie siècle, le possesseur des terres que j’occupe aujourd’hui; n’est-il pas évident qu’ils devraient s’en rapporter à moi, qui ai les archives entre mes mains? Il en est de même à mon gré des premiers empereurs de la Chine; il faut s’en rapporter aux tribunaux du pays.
Disputez tant qu’il vous plaira sur les quatorze princes qui régnèrent avant Fo-hi, votre belle dispute n’aboutira qu’à prouver que la Chine était très peuplée alors, et que les lois y régnaient. Maintenant, je vous demande si une nation assemblée, qui a des lois et des princes, ne suppose pas une prodigieuse antiquité? Songez combien de temps il faut pour qu’un concours singulier de circonstances fasse trouver le fer dans les mines, pour qu’on l’emploie à l’agriculture, pour qu’on invente la navette et tous les autres arts.
Ceux qui font les enfants à coups de plume ont imaginé un fort plaisant calcul. Le jésuite Pétau, par une belle supputation, donne à la terre, deux cent quatre-vingt-cinq ans après le déluge, cent fois plus d’habitants qu’on n’ose lui en supposer à présent. Les Cumberland et les Whiston ont fait des calculs aussi comiques; ces bonnes gens n’avaient qu’à consulter les registres de nos colonies en Amérique, ils auraient été bien étonnés, ils auraient appris combien peu le genre humain se multiplie, et qu’il diminue très souvent au lieu d’augmenter.
Laissons donc, nous qui sommes d’hier, nous descendants des Celtes, qui venons de défricher les forêts de nos contrées sauvages laissons les Chinois et les Indiens jouir en paix de leur beau climat et de leur antiquité. Cessons surtout d’appeler idolâtres l’empereur de la Chine et le soubab de Dékan. Il ne faut pas être fanatique du mérite chinois: la constitution de leur empire est à la vérité la meilleure qui soit au monde la seule qui soit toute fondée sur le pouvoir paternel; la seule dans laquelle un gouverneur de province soit puni quand, en sortant de charge, il n’a pas eu les acclamations du peuple; la seule qui ait institué des prix pour la vertu, tandis que partout ailleurs les lois se bornent à punir le crime; la seule qui ait fait adopter ses lois à ses vainqueurs, tandis que nous sommes encore sujets aux coutumes des Burgundiens, des Francs et des Goths, qui nous ont domptés. Mais on doit avouer que le petit peuple, gouverné par des bonzes, est aussi fripon que le nôtre; qu’on y vend tout fort cher aux étrangers, ainsi que chez nous; que dans les sciences, les Chinois sont encore au terme où nous étions il y a deux cents ans; qu’ils ont comme nous mille préjugés ridicules; qu’ils croient aux talismans, à l’astrologie judiciaire, comme nous y avons cru longtemps.
Avouons encore qu’ils ont été étonnés de notre thermomètre, de notre manière de mettre des liqueurs à la glace avec du salpêtre, et de toutes les expériences de Toricelli et d’Otto de Guericke, tout comme nous le fûmes lorsque nous vîmes ces amusements de physique pour la première fois; ajoutons que leurs médecins ne guérissent pas plus les maladies mortelles que les nôtres, et que la nature toute seule guérit à la Chine les petites maladies comme ici; mais tout cela n’empêche pas que les Chinois, il y a quatre mille ans, lorsque nous ne savions pas lire, ne sussent toutes les choses essentiellement utiles dont nous nous vantons aujourd’hui.